« Couchée positif » cèdre sur plexiglas 35 x 120cm « Envol négatif » cèdre sur zinc 30 x 90cm « Ainsi nous sommes deux » cèdre sur tissu 80 x 60cm. « Penchée négatif » sipo sur aluminium 40 x 40cm |
Sculpteur autodidacte, Michel Delaere est né en Belgique à Buvrinnes
(Hainaut) en 1943. Ces sculptures, à titre d’exemples,
couvrent une petite dizaine d’années. C’est le moment, où le travail de Delaere quitte le sol pour s’accrocher au mur. Sa
« Sculpture murale » naît. C’est aussi comme il le dit :
« mon temps académique » ou encore : « l’époque
des négatifs ». Il a cependant franchi une étape importante en
rapportant ses petites sculptures en cèdre sur des panneaux, le plus souvent
recouverts de tissu « ma sculpture jusque là, manquait d’air, de
générosité ». Nous sommes en présence d’un travail
surprenant. En effet, si la femme y est présente, elle l’est en ombre
chinoise le plus souvent perceptible par le tissu ; le bois taillé
délimite le trait qui découpe le sujet. Delaere
dissimule la figuration et courtise inconsciemment une future abstraction.
Les germes y sont. |
|
« Femme » Samba 100 x 70cm « Entre nous » cèdre 90 x 70cm « Ventre » cèdre 80 x 60cm |
« Revenant à ce moment » cèdre 90 x60cm « C’est bon ma mère » cèdre 80 x 60cm « Pourquoi disparaître » cèdre 90 x 90cm |
M N’Diay en 1981 :…Il fait vivre les courbes
du corps féminin avec une sensibilité inouïe pour ce matériau qu'il a
purifié, poli à l'extrême au point que le bois semble devenu pour lui une
matière malléable, souple, docile comme les rondeurs de chair elles-mêmes, à
la caresse de la main ou du regard. A partir de 1979, le tissu disparaît au profit de panneaux de bois plein qu’il
dédie à la femme en la présentant en son entier. Utilisant le cèdre, il va
progressivement délester ce corps pour ne plus en mettre en évidence que
quelques lignes ou fragments. C’est en 1979 qu’il fera prudemment,
sa première exposition à Grembergen (Flandre
orientale). Premier jalon d’un long partage avec le public. Les critiques
d’art seront unanimes quant à la reconnaissance artistique de son œuvre
naissante. M N’Diay en1984 :…Les lignes, le graphisme précieux qui doit
servir de base à la composition sculpturale, rappellent avec un
perfectionnisme racé, et un grand équilibre de construction, le mouvement
d'une croupe, le dessin d'un sein, le volume d'une hanche, mais bien souvent
sans perdre le magnétisme de leurs sources charnelles, ces éléments
deviennent les composants sublimés de jeux abstraits brillants. |
1985-1999
« D’un souffle » cèdre « Revenant à ma mémoire » cèdre « Et se tire le temps » cèdre « Débarrassé de mes scories » cèdre « Voie fermée » cèdre « A la fenêtre du temps » acier et fonte d’acier 100 x 130cm 1988 « En toute abondance » cèdre 110 x 80cm 1986 « Au creux d’un souffle » cèdre 55 x 60cm 1986 « Sous tes draps blancs » cèdre 55 x 60cm 1986 « Il s’en est fallu de peu » bois laqué 180 x 180cm-1987 « A ronger le mépris » bois laqué 150 x 210cm-1991 « Au plus gros des vents bois laqué 120 x 120cm-1991 « A la louange de
l’inutile » bois laqué 120 x 120cm-1991 « Aux frissons d’un souffle » bois laqué 90 x 90cm-1992 « Au mutisme d’un cri » 90 x 90cm-1992 « A l’insu du temps » bois laqué 60 x 60cm-1996 « Au murmure des sables » 3x 90x30cm-1998 « De cet étrange nécessaire » 90 x 120cm-1999 |
Depuis 1985, nous assistons à cette évolution par laquelle Delaere quitte progressivement le figuratif. Ses panneaux
de cèdre vont s’inscrire dans une palette de créations non figuratives
manifestement empreintes de sensualité, parfois en opposition avec des formes
géométriques qui s’y imbriquent. Cette manière de faire, ainsi que
l’apparition de l’acier et du béton dans son œuvre, sont autant d’amorces
d’un « art construit » qui mûrira et que nous pourrons découvrir
bien plus tard. Stéphane REY en 1985 : On imagine que l'on réalise de telles
choses par la technique du modelage où la matière ductile obéit aux pressions
et aux caresses de la main. Mais on demeure sidéré devant l'adresse du
tailleur de bois qui tire de son matériau poncé, poli, peaufiné, une vie qui
s'exprime en galbes, en creux d'une extrême douceur, en tendresses quasi
charnelles. Ces fragments emprunté à la chaleur de la vie, qui ont
l'apparence ici d'une épaule, d'un sein, d'une hanche, ne militent cependant
pas pour la figuration, issues d'une réalité concrète, ces choses se
retrouvent digérées, assimilées par l'abstraction à quoi elles apportent
quelque chose de délicat, de troublant et de suprêmement fascinant.. Paul CASO en 1986 :…Tout cela est réalisé avec une
science de l'arabesque et du polissage admirable. Il est aisé de faire un
rapprochement avec les toile de Fontana, mais le bois travaillé de Michel
DELAERE est à lui seul un trésor de la nature, un luxe qui se plie aux
exigences savantes et métaphoriques de l'esprit. Il y a dans cette exposition
une noblesse de l'intention qui frappe et enchante….LE SOIR Anita NARDON en 1986…Les nouvelles oeuvres
soigneusement polies selon la meilleure tradition d'Orient, offrent un autre
reflet. Les oeuvres de DELAERE sont comme des poésies que l'on enverrait à
des peuplades inconnues. La verdeur de l'allusion sensuelle, la tendresse des
replis, fait que l'on y trouve une sereine chanson à la vie, un hymne à
l'amour, à la fraternité avec des lignes de force qui constituent un
merveilleux élan vers l'autre, les autres, une sorte d'harmonie cosmique
donne le ton à l'ensemble... - LE DRAPEAU ROUGE – Janine LAMBOTTE en 1988 :…Le bois fascinait le jeune garçon qu'il était
dans les années 50, au point qu'il façonnait de vieilles caisses en grottes
mystérieuses dans lesquelles il enfouissait ses rêves. Son cheminement semble
ensuite aussi naturel que ce bois qui l'inspire: du meuble sculpté, original
(qu'il continue d'ailleurs à réaliser quand la commande lui plaît), il arrive
à la ronde-bosse, puis au panneau pour aboutir -mais un artiste peut-il
jamais parler d'aboutissement?- à la sculpture monumentale. Artiste inspiré,
fervent, généreux, il aime la musique et par-dessus tout les compositeurs
classiques, Beethoven, ce qui n'étonne guère, un même souffle, un pareil goût
de l'ampleur le rapprochant du génial compositeur. Il aime Brel aussi;
n'est-ce pas normal... Toujours l’ampleur. POURQUOI PAS Le béton : Delaere poursuit l’idée de
transformer l’expression « sculpture murale » en « mur
sculpté ». Il va donc imaginer et sculpter quelques blocs de béton qu’il
fera incorporer au mur au moment de sa construction. Jacques COLLARD en1986 : Le mur devrait être limite, fermeture. Il
devrait emprisonner. Delaere l’ouvre à l'Eternel
Féminin, mieux, le fait disparaître à la manière de notre passé magique,
inscrivant dans la glaise ou les parois de Lascaux, d'Altamira ou du Tassili,
l'objet du Désir qui travaillait la conscience obscure, origine et source
lointaine des raffinements de l'amour. « Les parois de Lascaux.. ! Ce qui m’émerveille
au plus dans ces troublantes peintures, ce sont ces formes géométriques que
personne n’a pu décrypter à ce jour. Ces signes dit-on, ont forcément une
signification mais nous l’ ignorons, et heureusement, car c’est bien ce
mystère qui donne à ces œuvres une vie toujours palpitante, aujourd’hui
encore ». Pierre-Jean
FOULON en
1986 : …Une autre direction encore: les vastes surfaces en béton cellulaire.
Le but, on le pressant: la monumentalité, l'intégration. Déborder le panneau,
le lac, pour sculpter l'océan, l'infini, l'espace. La paroi s'ouvre enfin au
ciseau de DELAERE. Et les vastes ondulations cosmiques engendrent les plis de
la terre. DELAERE, on le sent, s'élargit. -LE SPANTOLE- Tôles et fonte d’acier : C’est la fonte qui attire Delaere.
Il la perçoit en fusion, à l’état liquide qui comme l’eau, s’étale sur le
sol, s’échappe dans le moindre replis et dont la partie supérieure demeure
horizontale. Ainsi, entre deux tôles, il insérera un modèle en bois qui
constitue le cœur de l’œuvre. Les tôles latérales sont préalablement
déformées, créant ainsi des dépressions dans lesquelles la fonte en fusion se
précipitera. La coulée s’opère à l’air libre que l’artiste contrôle en
soulevant ou abaissant la tôle, ceci en l’espace de quelques secondes avant
que la fonte ne se raidisse. C’est dit-il « …déverser au sol une lave
du ventre de ce volcan apprivoisé…figer la vague dans son assaut de la plage.. ». Roger. FOULON en 1988 : …Michel DELAERE fit alors
couler le métal en fusion dans ses moules. Le sculpteur compléta le
remplissage à l'aide d'une louche. Le spectacle était vraiment prodigieux.
Dans une pluie d'étincelles jaillissant de partout, le sculpteur revêtu
d'amiante dirigeait la coulée. Le métal embrasait les bois, ce qui conféra
aux pièces coulées des irrégularités génératrices de formes surprenantes.
.-LA NOUVELLE GAZETTE- Delaere à tâtons, cherche une conversion à la couleur. Nous découvrons
ci et là des œuvres en cèdre colorées d’un léger voile de teintures délicates
qui accentuent la sensibilité de son travail. Cette approche va le pousser
rapidement vers la couleur forte par l’usage de la laque, qui débouchera sur
de superbes monochromes dans les colorations riches et sourdes du bleu, du
gris, du noir et plus rarement du rouge. Jacques COLLARD en1986 : Son transit à travers la
figuration lui a fait comprendre une profonde vérité dont tout son art actuel
s'imprègne: économe des formes, la nature modèle tout à partir d'éléments
identiques, qu'il s'agisse d'une chaîne de montagnes, des vagues mouvantes de
l'Océan, de l'amibe ou des espèces géantes, des sinuosités de la texture du
bois ou du corps de la femme. Né en 1943, ses débuts aux cimaises datent de
1979: c'est dire qu'il n'est pas vite satisfait de lui-même et qu'il a tenu à
mûrir longuement sa démarche avant d'affronter le public.. En 1986, il abandonne toute autre
activité professionnelle s’adonne totalement à son art et à bien des
recherches créatives qui aboutiront début de la décennie suivante. Des panneaux plats (Il s’en est fallu de peu ), il va les amplifier dans la partie centrale avant de les
sculpter (A ronger
le mépris). Il devient donc aussi modeleur en
collant des surépaisseurs aux bordures des découpes du panneau, nous
précisant : « Mon premier geste est de fendre le panneau en
deux. Ce geste est sans retour possible et n’intervient qu’après bien des
hésitations. Face à ces deux lèvres écorchées, je m’applique sans mesure à
adoucir, dissimuler la trace de ce geste violant, comme pour m’en faire
pardonner». Pierre-Jean FOULON en 1986 : …Puis, à la gouge, le ciseau le geste est
souverain, approfondir la taille, bomber les volumes, creuser les plis,
ourler les chutes. Ensuite, comme on caresse une chair, comme on effleure une
peau, sans fin épurer la forme au papier verré, nuancer les courbes, affirmer
les arrêtes. Telle est la force de l'artiste: maîtriser son geste au point de
le faire oublier, atteindre le pulpeux là où on attendait le coup, cerner la
courbe là où on soupçonnait l'éclat. La taille et le ponçage terminé, un
travail de laquage étouffe sous son homogénéité toute référence à la matière,
tout rappel d'existence. La forme est là par lumière plus que par relief, par
image plus que par solide. Ultime étape du parfait? Outrage au sens? Impasse
de l'objet? On aimera ces désincarnations de l’œuvre aboutissant aux images
du signe. Wim
TOEBOSCH (AICA)en
1988: … Ses oeuvres animent des murs plans,
par des reliefs chargés d'une vitalité empruntée sans violence à la nature,
et d'une double respiration: celle extérieure, par de grandes surfaces
sereines et celle, plus intime, d'organes qui palpitent doucement et qui se
pénètrent avec une grande discrétion, à une découverte empreinte de surprise
silencieuse et d'émerveillement…. Pierre-Jean
FOULON en
1986 : …Puis, à la gouge, le ciseau le geste est souverain, approfondir
la taille, bomber les volumes, creuser les plis, ourler les chutes. Ensuite,
comme on caresse une chair, comme on effleure une peau, sans fin épurer la
forme au papier verré, nuancer les courbes, affirmer les arrêtes. Telle est
la force de l'artiste: maîtriser son geste au point de le faire oublier,
atteindre le pulpeux là où on attendait le coup, cerner la courbe là où on
soupçonnait l'éclat. La taille et le ponçage terminé, un travail de laquage
étouffe sous son homogénéité toute référence à la matière, tout rappel
d'existence. La forme est là par lumière plus que par relief, par image plus
que par solide. Ultime étape du parfait? Outrage au sens? Impasse de l'objet?
On aimera ces désincarnations de l’œuvre aboutissant aux images du signe. « Le rapprochement des êtres
humains me préoccupe. Mes sculptures sont le plus souvent composées de deux
parois séparées par une tranche sculptée plus intensément. Ces parois peuvent
être deux personnes séparées par cette tranche, elle les rapproches ou les
écartes. Je préfèrerai qu’elle les rapproches, deviennent une ». Jo
VERBRUGGHEN en
1998 : Michel Delaere
crée. Artiste, il sculpte le bois et le traite à l’instar de la nature. Elle
aussi blesse, adoucit rompt et console. Il se love dans les failles, créant
l’érosion. A l’instar de la nature, il fouille le solide, fendille le tronc,
crée des avens pour y enfouir sa pensée, une phrase, un mot, un souffle de
vie. Rien n’engendre la révolte dans ce
monde où tout respire la tranquillité. Les formes éblouies se couvrent de
nuit. Le gris profond sera à nouveau l’aboutissement suprême de l’ombre. Le
mystère s’accroche, puis se dévoile comme un drap qui recouvre un corps aimé,
ou un brouillard qui se lève découvrant une immensité empreinte de
sortilèges. Les crevasses s’ouvrent, béantes, douces, invitant à la caresse,
au chuchotement, au murmure inaudible. Donner à voir. Dévoiler. Ce bois s’est
fait galbe. La blessure s’est fait creux, lit, couche ; ou ce vallon
tellement pareil à celui où Arthur Rimbaud en poète laissa mourir le Dormeur
du Val. Cette manière de faire est encore
actuelle, bien qu’en de nombreux cas, il incrustera des éléments de cèdre
naturel ou teinté dont il disait « l’on peut-être à la fois ferme et
tendre, fort et fragile ». Cette réflexion intime, Delaere la laissera se manifester dans ses œuvres où de
larges plages sensuelles sont interrompues par des sillons creusés à la
gouge, parfois même à la tronçonneuse dont les marques violentes de l’outil
restent visibles. Delaere va amplifier les jeux de la lumière en incorporant à ses laques
des composants qui la rendront tantôt brillante à mil reflets, satinée et
douce, mate ou structurée absorbant la lumière, augmentant ainsi la richesse
et la profondeur des volumes. Remarquons les titres que l’artiste attribue à
ses œuvres. Emprunts de poésie il y est attentif : « La
signature d’une œuvre est sûrement nécessaire, mais son titre est pour moi
indispensable. C’est le dernier geste, la coupure du cordon, la quitter, lui
souhaiter bonne chance dans son existence, son voyage ». |